Hotspot : les critiques sur le mental dans le milieu de la spiritualité
« Le mental est une illusion »
« Ne cherche pas à comprendre, la réponse est en toi, le mental ne sert à rien »
« Il faut supprimer le mental pour accéder à la transcendance véritable de l’homme »
On a tous entendu ou lu au moins une fois ce genre de phrase préfabriquée. Mais en réalité à quoi cela fait référence ? Pourquoi des gens de la sphère spirituelle dénigrent autant le mental.
C’est vrai quoi, à chaque fois, je fais les yeux ronds quand j’entends une logorrhée visant à discréditer le mental. Un outil qui tente de cerner des concepts, des corps et des réalités.
Est-ce que c’est une mode ? Peut-être une survivance des années hippies qui avaient compris à leur « façon » les préceptes bouddhistes dans une soupe de cancer spirituel ? On va essayer de voir d’où ça vient et surtout de présenter un minimum certain concept pour clarifier les choses.
C’est le voyageur de la conscience, bonne lecture.
1 La thèse du mental manipulateur
Souvent lorsqu’on s’aventure à essayer de comprendre nos expériences de conscience ou un concept abstrait, on est très vite confronté à des personnes qui soutiendront qu’il est vain d’utiliser son intellect pour comprendre ce genre d’expérience.
Pour eux, le mental est une fabrication artificiel qu’il faut combattre afin d’accéder à l’essence même de l’expérience de la conscience qui ne peut se traduire par des mots.
Le mental essaye de nous donner l’illusion du contrôle et en même temps il est créateur de peurs et de limitation. Il nous tire vers le bas, il nous parasite, c’est un manipulateur. Ces affirmations viennent de différentes personnes, des coachs « spirituels » que je ne citerai pas tant ces affirmations sont banals et facile à trouver dans ce milieu.
2 Ce que disent les écrits spirituels classique
Avant tout, je tiens à préciser que je ne suis pas un expert dans les spiritualités orientales et extrêmes orientales. N’hésitez pas à me reprendre si des choses sont inexactes ou mérite des précisions.
Dans tous les cas, écoutez des coachs me dire que mon mental me limite et qu’il faut que je m’achète un stage pour libérer mon potentiel spirituel m’a très vite chauffé.
Ce qui m’intéresse, ce sont les paroles des sages et savants des grandes spiritualités que l’on peut trouver sur terre.
Regardons du côté du Baghavad Gita, texte fondateur de l’hindouisme. L’histoire du prince Arjuna qui au moment de commencer une bataille renonce à vouloir se battre. Ses adversaires, les Kaurava ont un lien de parenté avec lui et il répugne à vouloir semer la mort des siens. C’est là, qu’un dialogue interne va commencer entre lui et Krishna, un avatar de Vishnou.
C’est un texte profond et riche en sagesse, qui fait réfléchir (avec le mental hein…) et qui nous donne des clefs dans la quête du guerrier pacifique.
Je vais citer un passage de ce merveilleux texte :
Tout entier purifié par l’intelligence, maîtrisant le mental avec détermination, renonçant aux objets qui font le plaisir des sens, affranchi et de l’attachement et de l’aversion, l’homme qui vit en un lieu retiré, qui mange peu et maîtrise le corps et la langue, qui toujours demeures en contemplation, détaché, sans faux ego, sans vaine puissance ou vaine gloire, sans convoitise ni colère, qui se ferme aux choses matérielles, libre de tout sentiment de possession, serin, – cet homme se trouve certes élevé au niveau de la réalisation spirituelle.
L’enseignement de Krishna tend à faire comprendre à Arjuna qu’il doit se détacher des fruits de l’action et qu’au final, il doit agir pour être.
Il énumère les étapes et cite en premier lieu une purification par l’intelligence et la maitrise du mental. Il y a une logique à commencer par la réflexion avec le mental, c’est même vital.
Le mental c’est la capacité d’autoréflexion sur un sujet capable de retour sur lui-même et qui permet de faire émerger la conscience d’après Fernand Swharz Anthropologue et philosophe. La conscience n’est pas juste le fait de savoir ce qui est interne ou extérieur à soi, ce n’est pas une vague sensation. Ce retour permet la mémoire, l’organisation et la mise en place d’une attitude. Quand j’entends que le mental est une illusion ou un manipulateur et bien… C’est fâcheux.
C’est avant tout l’exercice plein et entier du mental qui fait que la conscience est quelque chose de dynamique et vivant. C’est pour cette raison qu’une méfiance peut s’opérer à l’encontre du professeur antimental.
Je suis aussi très surpris de constater que le Bouddhisme accorde une importance particulière à l’étude de la conscience par le mental, la réflexion intense et l’intellect. Le Bouddhisme est une voie très complexe avec plusieurs écoles et possédant une profondeur de pensée que les occidentaux ont très vite réduit par bêtise. Je n’en suis pas un spécialiste, alors sachez que c’est surement partiel et plus complexe que ce que je vais dire.
On peut citer le premier verset du Dhammapada, un texte canonique faisant partie d’un recueil ancien de textes bouddhiques.
«Les choses sont précédées par l’esprit (mano), dominées par l’esprit, constituées par l’esprit».
Dans le Surangama Sutra un autre texte Boudhhique
«Le terrain du mental est à l’origine de toutes choses».
Pour le Bouddhisme tout est mental et de cinq agrégats (la forme, les sensations, la volonté, la conscience, les perceptions) va naitre le « moi » terrestre qui est considéré comme une illusion provisoire. C’est l’ego et les enseignements bouddhiques tendent à faire de cette entité un conseiller. Il n’est donc pas question d’une suppression comme aime à le penser les anti M.
Il faut mettre un tempérament, en expliquant que le Bouddhisme utilise le concept des deux vérités qui consistent à interpréter la réalité, selon le point de vue relative et absolu.
La vérité relative servant à comprendre l’apparition des choses, l’existence, la causalité. Elle sert à comprendre la vérité Absolue.
La vérité absolue qui prend en compte l’état de vacuité de l’Eveillé, amène à la libération. À ce niveau-là, les deux vérités sont semblables.
C’est complexe, je ne suis ni théoricien, ni pratiquant de cette philosophie/religion/doctrine, spiritualité. Mais, je voulais que vous ayez un aperçu du niveau de réalisation et la profondeur de la pensée Bouddhique.
Okay, bon rien à signaler à propos du mental, mais ce n’est pas mon paragraphe qui va le certifier. Une mention à l’égo et à l’illusion du moi terrestre, rien de choquant pour l’instant.
Regardons du côté du courant hermétique, une philosophie ésotérique chère à mon cœur. L’hermétisme gréco-égyptien est considéré comme un mélange de philosophie platonique, d’emprunt Perse (école des mystères), de tradition hébraïque et de stoïcisme.
Plusieurs courants existent au sein de l’hermétisme et une évolution marquée par des ajouts au moyen âge et une redécouverte au XIXème siècle ont contribué à entretenir ce courant philosophique et ésotérique.
Le mental est théorisé dans certains textes comme le Kybalion, la spiritualité égyptienne, le traité de l’âme d’Aristote et j’en passe.
Le mental est pour eux un corps faisant partie d’un groupe de sept que vous connaissez peut-être.
Corps physique, énergétique, astral, mental, causal, bouddhique et atmique.
Nous allons nous concentrer uniquement sur le couple corps mental et causal. Les deux semblent liées à l’activité intellectuelle et des correspondances existent entre les traditions de l’Inde, Aristote et la spiritualité égyptienne.
Le mental chez Aristote
Dans le livre III de son traité sur l’âme, Aristote nous indique que quelques animaux possèdent le « noûs » la capacité de raisonner. De plus, Il fait référence à une organisation bicéphale de l’intellect avec d’un côté l’intellect patient et l’intellect agent.
Et telle est l’intelligence qui est séparée, impassible, sans mélange avec quoi que ce soit, et qui par son essence est en acte. § 2. C’est que toujours ce qui agit est supérieur à ce qui souffre l’action, et que le principe est supérieur à la matière… L’intelligence passive, au contraire, est périssable; et, sans le secours de l’intelligence active, l’intelligence passive ne peut rien penser.
Aristote De l’âme 431a10
L’intellect agent est donc immortel et sert à mettre en lumière les choses intelligibles, l’intellect patient va recueillir les données provenant des sens et qui va produire la pensée. L’intellect agent/immortel va éclairer/comprendre et discerner.
Le mental chez les théosophes
La théosophie est la tentative d’importation des spiritualités orientales pour le monde occidental. Les résultats de l’entreprise sont discutables, néanmoins l’effort de transcription et d’interprétation en font une doctrine intéressante pour le quidam s’intéressant à la spiritualité au XIXème siècles.
On y retrouve du Bouddhisme, de l’hindouisme et de l’ésotérisme occidental (égyptienne). Des concepts ont été repris par les mouvements New-age, mais de façon pataud avec des approximations, des simplifications et au final un vide intellectuel et spirituel caractéristique de ce courant.
Revenons à nos théosophes. Nous y retrouvons une organisation provenant des Védanta, une école de philosophie indienne.
En substance nous avons :
- sthûla-sharîra : le corps physique
- prâna-sharîra : le corps éthérique/énergétique
- linga-sharîra : le corps astral
- kâma-manas : corps du désir
- manas : Le corps mental
- buddhi : Le corps de l’éveillé
- atman : le soi cosmique
Le manas est le véhicule de l’intellect, c’est un corps non – périssable (il ne se dissout pas à la mort). Là où cela devient intéressant c’est lors de l’incarnation, le manas prend une organisation duale. La conscience égotique se forme et s’attache à projeter ce que nous pensons être pour les besoins de l’incarnation terrestre, on considère qu’il orbite autour de Kama (le désir) tandis qu’une autre partie de Manas gravite autour de Budhi portant en lui les aspects les plus élevés du corps mental (jugement détaché, fraternité, pardon, discernement, rationalité, intuition…)
Le corps mental dans l’IAC (International academy of consciousness)
L’IAC est un institut dont le but est d’étudier les phénomènes de la conscience tel que la sortie hors du corps, la retrocognition de vies antérieures, la bioenergie… C’est une pseudo-science, mais les fondateurs de cette organisation situé au Portugal souhaite étudier ces phénomènes avec le plus de pragmatisme possible en mettant en exergue l’expérimentation au détriment des dogmes pré établie par les religions ou la spiritualité new-age.
Waldo Wiera qui a beaucoup contribué à l’établissement de cette pseudo science : la conscientologie propose cette classification qui est incomplète par rapport à ce que les traditions nous livre et pour cause, les tenants de la conscientologie s’attache à faire émerger des connaissances par le moyen de l’expérimentation. Or, il n’est pas commun de pouvoir expérimenter des état de conscience ou sortie hors du corps pouvant être assimilé à des état bouddhique, christique ou atmique. C’est donc de là que vient la réserve naturel que les expérienceurs peuvent avoir au sujet de la stratification de la conscience.
Je cite des passages relatifs au mental soma et issu de l’ouvrage de Waldo Wiera : Projectiology consacré au phénomène de sortie hors du corps.
A. Véhicule 1 = Corps 1 = B 1 = Corps humain (soma).
B. Véhicule 1.5 = Corps 1.5 = B 1.5 = Holochakra (parabole énergétique).
C. Appendice 1.5 = A 1.5 = Cordon d’argent.
D. Véhicule 2 = Corps 2 = B 2 = Psychosoma (parabole énergétique).
E. Appendice 2.5 = A 2.5 = Cordon d’or.
F. Véhicule 3 = Corps 3 = B 3 = Mentalsoma (parabole du discernement).
Caractéristiques
Parmi les caractéristiques du mentalsoma, on distingue plusieurs variables :
1. L’absence de corps.
2. La forme. Formes ovales brumeuses, ou boules d’énergie blanches, dorées ou bleues.
3. Organe. Existence du mentalsoma au-delà des organes sensoriels humains.
On considère le mental comme le siège de certains attributs comme :
- la conscience de soi
- les formes d’intelligences
- le discernement
- l’organisation
- le contrôle de soi
- la critique objective
- l’éthique
- la volonté
- la concentration
- l’attention
- l’intuition
- l’holomémoire (la mémoire atemporel de tout ce qui nous est arrivé dans nos vies)
Si on devait faire une comparaison avec la théosophie, le mental de L’IAC serait le Manas gravitant autour de Buddhi qui est nommé aussi le mental supérieur dans la spiritualité classique. Le mental inférieur est tout simplement l’égo qui est le logiciel/l’outil permettant de recueillir les informations et faire la différence entre ce qui notre intériorité et ce qui est extérieur à nous.
Je tiens à signaler que ces conceptions IAC incluse, ne sont que des propositions pour décrire l’organisation de notre être. En sortie hors du corps, nous n’avons expérimenté que l’utilisation du corps astral et du corps mental pour les plus avancés. Et encore, on est sur de rien dans ce domaine.
Mais, peut-être qu’à l’image d’un modèle atomique qui serait organisée comme un système orbital, alors que la réalité est différente. Ce ne sont, peut être, que des représentations que nous nous faisons de la réalité.
Ce ne sont que des outils pour nous aider à appréhender ces concepts, rien de plus et rien de moins.
Ainsi, il se peut que l’utilisation du seul mot mental soit une erreur de sémantique :
A) Des termes mal utilisé ?
« Le mental est une illusion »
« Ne cherche pas à comprendre, la réponse est en toi, le mental ne sert à rien »
« Il faut supprimer le mental pour accéder à la transcendance véritable de l’homme »
« Le mental nous limite, c’est un manipulateur »
Voici, ce qui peut se lire sur les forums, les publications Facebook, les vidéos YouTube…
A la lumière de données que vous trouverez ci – dessus, il est possible que le terme de « mental » soit mal utilisé même par des coachs spirituels.
Est-ce que c’est un manque de rigueur ? De connaissance ou l’envie de simplifier ? On peut vulgariser une pensée, mais la simplifier à l’extrême revient à le vider de son sens et en faire une coque vide servant à des interprétations pouvant être complètement opposé à l’intention de la lettre de départ.
Ils semblent que le terme qui serait adéquat serait l’égo ou du moins le Manas gravitant autour du Kama (le désir) se polarisant pour devenir cette conscience égotique.
En réalité, le mental n’est pas à combattre et il n’est pas un facteur limitant. Il est tout le contraire. Il suffit de regarder les attributs qui lui sont associés. La conscience égotique, quand elle est le principal objet d’identification de la conscience est problématique (paresse intellectuel, identification à la chair, recherche des plaisirs, assouvissement des désirs, esprit de compétition extrême…) On en souffre tous et c’est à ça qu’un travail de philosophie pratique est nécessaire pour appréhender, comprendre et polariser dans le mental supérieur notre être.
Aussi, pourquoi toujours vouloir reléguer l’expérience de conscience à quelque chose qui va de soi et qui n’est pas susceptible de pénétrer dans le champ de l’intelligible ? En quoi c’est limitant de vouloir faire preuve de discernement et d’intelligence ? Ce sont pourtant des valeurs qui étaient honorées du temps des écoles des mystères antiques et philosophies associées.
Désormais nous allons analyser d’autres causes pouvant mener à la prolifération de ce genre de discours anti – mental sur internet.
B) L’intuition
Je ne comprends pas le monde, je le ressens, Moi, monsieur, j’ai des intuitions et je peux tout saisir sans réflexion.
C’est pourtant votre conscience égotique qui traite l’info et qui prononce cette phrase… C’est absurde.
C) L’immanent ne s’explique pas avec le mental
L’immanent est hors de portée de notre mental égotique, pas forcément du mental supérieur ou corps mental de l’IAC. Or, la sortie hors du corps, l’hypnose, l’extase mystique, les facultés psy, le remote viewing sont des phénomènes que l’on peut étudier avec les sciences. Regarder ce qui se fait en neurosciences à propos des transes chamaniques.
Les sciences et l’intellect en général ne vont pas décrire les sensations intimes vécues par l’expérienceurs. Toutefois, il va se poser des questions pour mieux comprendre le mécanisme.
D) Anti-égo/mental parce que je le vaux bien…
Commentaire : fuyez pauvre fou…
E) La flemme intellectuelle
Nous vivons une époque bénie ou l’information est disponible partout et tout le temps.
Ce n’est pas comme dans l’antiquité où il fallait naviguer plusieurs jours pour arriver à Alexandrie et entre 15 et 20 ans pour finir son instruction…
En 2021, il faut d’avantage lutter contre la flemme pour aller à la bibliothèque du coin et se cultiver ou faire deux cliques avec la souris.
S’exprimer dans le cadre d’un discours spirituelle n’est pas quelque chose de frivole. Il y a un corpus de connaissances, de sagesse issue de plusieurs centaines de courants qui peuvent nous aider à avoir une pensée mature.
Conclusion
C’est la fin pour cet article, l’important c’est qu’il faut comprendre que les choses peuvent s’expliquer sans avoir besoin de faire de la simplification au point de retourner le concept et de véhiculer des absurdités. Je force le trait, mais je ne peux m’empêcher d’être un peu goguenard quand j’entends en substance que pour vivre sa spiritualité, il faut déposer son cerveau sur la table. Je veux dire par là qu’il ne faut pas s’étonner que des néo-sectes 3.0 pullulent sur le net avec des dérives qui sont de plus en plus inquiétantes.
Qu’il faut utiliser les bons termes, les définir au maximum au risque de provoquer des erreurs. Je fais encore la faute moi même tout les jours, mais la question est d’en être conscient pour essayer de s’améliorer.
Je n’ai fait que survoler certains concepts et philosophies, mais je vous laisse une bibliographie avec des références pouvant vous intéresser. Vous avez en vous l’intelligence, le courage de vous informer et de briller autour de vous avec des perles de sagesses et de vivre des expériences de